Médiathèque

Simon Reynolds, Sonic Fiction
… ou, si c’est ça le futur, comment se fait-il que la musique soit si naze ?
(texte paru dans Loops 01, 2009, une traduction Luneville) part. 2 v2 26052011

Cette mauvaise expérience – une musique super étrange qui se révèle en fait pas si extra-terrestre que ça finalement - a cependant fait germé en moi une curiosité croissante pour la musique liée à la science-fiction, une musique qui viendrait du futur. Deux zones voisines mais bien distinctes sont à explorer : d'un côté les compositeurs de musique de film et leurs efforts - voués à l'échec - d'approcher 'la musique de demain aujourd'hui', et de l'autre les romans et nouvelles de science-fiction qui tournent autour de la musique de près ou de loin. En tant que fan de base de science-fiction qui, à 16 ans, a brusquement plaqué le genre pour s'immerger dans la presse musicale et le punk, je me sentais idéalement placé pour observer le lien entre mes deux passions d'adolescent, la musique et la SF. En y regardant de plus près, cependant, des centaines et centaines de romans et de recueils de nouvelles que j'ai lus dans mes jeunes années - empruntés à la Bibliothèque de Berkhamsted ou achetés grâce à l'argent de petits boulots - je pouvais à peine me souvenir d'un truc en lien avec la musique... Même le genre auquel je me suis intéressé quand la SF fit un léger retour dans ma vie dans les années 90, le cyberpunk, avait sans doute des côtés rock'n'roll et branchés par ses références à la pop culture, mais ce sous-genre contenait peu d'exemples originaux où la musique était projetée dans le futur que se soit dans sa dimension sonique ou sa fonction sociale.

Il s'avère quand même qu'il y a bien une partie immergée et importante de la science-fiction qui traite de la musique. C'est ce que j'explorerai dans une seconde partie. Je vais dans un premier temps me concentrer sur les films de SF et leur bandes originales. Il y aurait bien un dernier thème à traiter concernant la musique et la SF, c'est l'influence massive de cette dernière sur toutes les formes de musiques pop et en particuliers sur le metal, le post-punk, l'indus et la techno. Mais c'est un vaste sujet que je vais laisser de côté pour le moment avec un soupir de soulagement.

Au cinéma, donc. Attendre des compositeurs contemporains qu'ils s'aventurent au-delà de l'horizon présent des possibilités sonores pour en ramener une musique qui proviendrait en effet du futur est un espoir de taille. C'est vrai, certains ont essayé, et ils sont les héros de cet essai. Mais la plupart des films de SF ont été illustrés musicalement comme des films d'action et de suspense, ce qu'ils sont souvent, derrière leurs apparences hi-tech et leurs paysages inter-galactiques. John Williams en est l'archétype, son oeuvre collant à l'éventail sonore d'un orchestre symphonique (tout en majesté tempétueuse et prouesses habiles) et au vocabulaire des derniers compositeurs romantiques de la seconde moitié du XIXe siècle et des premières décennies du XXe (Malher, Strauss, Holst, Elgar, Dvorak, ...). Il fait revivre notamment la formule des opéras wagnériens, le leitmotiv, un thème musical récurrent associé à un personnage, une humeur, une 'force morale'. Ce néo romantisme fait ici merveille. En effet, même les experts ne voient pas en La Guerre des Etoiles une oeuvre de SF mais plutôt un 'space opera', une heroic fantasy épique, plus proche de du Seigneur des anneaux de JRR Tolkien que de Siva de Philip K Dick. Malgré l'Etoile de la mort, et les chasseurs X, le film renvoie à une époque médiévale : des princesses, des pirates, des valets, des serviteurs loyaux (les droïds). Le coeur de l'intrigue est de plus la lutte manichéenne entre la Force et le Côté Obscur, les chevaliers Jedi aux coeurs purs et les séides de l'Empire. Il y a même des combats proches des films de capes et d'épées avec des sabres lasers. Finalement le côté rétro de la scène musicale de la Cantine est raccord avec l'aspect passéiste de la globalité du film, souligné dès le prologue 'Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine" et par les influences des pulps SF Buck Rogers et Flash Gordon (à ses débuts, George Lucas avait tenté d'acheter les droits d'adaptation de Flash Gordon, sans succès car trop chers pour lui). (à suivre)